Père avait proposé qu’on aille voir le match des Faucons. C’était vraiment étrange de sa part. Penn et moi avions échangé un regard interloqué face à cette annonce qui sortait vraiment de nulle part. Il avait ensuite continué son habituel monologue matinal en mentionnant qu’il avait reçu des places dans la loge d’honneur du Ministre de la Magie. Ils seraient en compagnie du Directeur du Département des jeux et sports magiques. Il y avait certainement encore de la magouille là-dessous mais je m’en fichais royalement. Père était invité à un tas d’évènements pompeux dans le cadre de ses « négociations » mais rares étaient les fois où l’évènement en question chatouillait mon intérêt.
« Je n’ai que deux places et vous savez comme moi que votre mère préférait être coincée à Azkaban que sur un de ces sièges de gradins monstrueusement inconfortables… » Continua-t-il en reposant son journal à côté de son assiette où ses œufs au plat refroidissaient depuis de longues minutes. Je lançai un regard en coin à Penn… Attendant qu’elle prenne la parole, c’était toujours elle qui prenait la parole. Elle croisa mon regard et leva les yeux au ciel. Elle savait que je mourrai d’envie d’y aller.
« Tu peux y aller, Nolan. J’ai vraiment d’autres choses à faire… »A mon tour de rouler des yeux. Qu’elle était chiante depuis qu’elle trainait avec Hansen. Elle avait toujours « d’autres choses à faire ». Bref, dans ce cas-ci, c’était tant mieux pour moi. Je me raclais la gorge pour que Père relève les yeux vers moi.
« Je viendrai, Père. Les faucons ont fait une saison presque parfaite cette année… »Il rebaissa directement la tête vers son journal, sans répondre. Notre discussion était terminée. Nous avions eu droit à une minute de son temps, il ne fallait pas abuser.
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Le stade était plein à craquer. C’était un match important pour la suite du championnat, celui qui s’imposerait avait de bonnes chances de soulever la coupe dans quelques semaines. Nous étions arrivés en Portoloin, quelqu’un du ministère l’avait amené jusque devant notre porte et nous avions été transféré directement devant l’entrée de la loge. La vue d’ici était à couper le souffle. Les supporters arboraient fièrement leurs couleurs, peignant les gradins de bleu, jaune et vert. Quelques instants plus tard, le directeur arriva, le front plein de sueur, s’excusant de son retard. Père venait de vêtir son sourire carnassier, un mélange entre un vendeur de tapis et un prédateur. Cette conversation allait être ennuyeuse à mourir.
« Je vais faire un tour… »Père ne m’entendit même pas mais ça devait le soulager de ne pas m’avoir dans ses pattes. J’allais aller me chercher un hot-dog, une bierraubeurre et je passerai certainement à la boutique officielle des Faucons. Le stand était pris d’assaut par les badauds affamés. Merde, il y avait une file de dingue. Mon regard glissa vers le panneau indiquant les cabinets. Ouaip, c’était le moment…
En entrant, il n’y avait qu’un gamin qui jouait avec une corne aux couleurs des Harpies. Qu’est-ce qu’il faisait dans les toilettes celui-là ? Il n’avait pas de parents ? Je lui lançai un regard noir.
« Ne traine pas ici, petit… Tu pourrais tomber sur des gens malintentionnés… »Mon ton était menaçant et je vis à ses yeux écarquillés que j’avais réussi à lui faire peur, je ne pus retenir un sourire alors que je poussais la porte de la toilette. A peine avais-je verrouillé la porte, qu’il se remit à souffler dans son instrument de fortune. Celui-là ferait mieux d’avoir disparu quand je sortirai… Mais déjà, le bruit de l’extérieur se fit entendre, il fuyait. Ouf.
Nouveau bruit de corne.
« Ola on se calme, mes oreilles n'aiment pas ce son petit ! »J’eus un sursaut. Non, le petit n’était pas parti, quelqu’un était rentré. Quelqu’un dont la voix m’était familière mais que je n’arrivais pas à resituer.
Encore un bruit de corne. Mes poings se crispaient. J’allais l’éventrer ce gamin !
« Parce que tu crois que c'est avec tout cet attirail que ton équipe va gagner ? Les filles des Canons vont se faire simplement exploser par les Faucons. BOOM il te restera que les larmes pour pleurer, ah, et ta corne stupide aussi ! »Je ne pus m’empêcher de sourire. Ce presque inconnu m’ôtait les mots de la bouche.
« T'es trop con ! Espèce de sale scroutt à pédard ! »« Pétard on dit. Minus ! »Tout mon corps se tendit quand je compris à qui appartenait la voix qui résonnait contre les murs carrelés. Jacob Kendall. J’eus une soudaine nausée… Bizarre… Des pas pressés retentirent et une porte claqua, un genre de Bang étouffé. Silence. Bon, j’avais fini depuis un moment. J’attendis que Jacob s’engouffre dans une des toilettes pour me glisser dehors. Aucune envie de le croiser ici. Je me dirigeais droit sur la porte alors que celle de Jacob se fermait. Ouf ! Pas de confrontation… Je tournais la poignée. Pas de mouvement. Je fronçai les sourcils en forçant ma poigne. Rien ne se passait, la poignée restait parfaitement immobile. C’était quoi cette blague ?!
« Tu vas bouger, bouse d’hippogriffe ?!! Qu’est-ce qu’il a foutu ce troll des montagnes ?! »Longue respiration. Le gosse les avait enfermés. La sécurité empêchait que l’on se balade dans sa baguette dans l’enceinte du stade. Il y avait eu beaucoup trop de débordements entre les supporters qui abusaient de la Bierraubeurre. Nous étions donc coincés ici, sans baguette pour annuler le sortilège. Je jurai dans ma barbe quand j’entendis Jacob sortir de sa planque et se diriger vers les éviers.
« T'arrives à lancer un Cognard d'un but à l'autre, mais t'arrives pas à ouvrir une porte Carrow ? »Je me retournai très lentement vers lui en me laissant aller contre le mur, me creusant la tête pour trouver une solution et ne pas rester en sa compagnie une minute de plus. Je n’avais même pas envie de lui répondre à ce crétin.
« Tu as énervé le gosse et il nous a coincé ici, bouse de dragon… »Je ne pus m’empêcher de remarquer qu’il portait les couleurs des Faucons. C’était vraiment un fan. Je n’avais qu’un badge sur mon torse, on se devait d’être relativement discret quand on était dans la loge d’honneur.
Sans crier gare, je chargeais contre la porte, épaule la première. BANG. Aïe ! Elle n’avait pas bronché. OK… Ce n’était pas juste la serrure, il avait réussi à bloquer toute la porte ce gamin ! Nouvelle longue respiration.
« On va louper le match à cause de tes conneries. »