Carl ferait seul sa retenue aujourd'hui, Enid se remettant tout juste de ses malencontreuses métamorphoses.
C'était la troisième retenue, et la compagnie de ces deux joyeux lurons était fort agréable. Ils pouvaient se montrer aussi efficaces dans le travail que dans les bêtises, et me l'avaient démontré les semaines passées.
Ils avaient réussi à persuader un vieux briscard de sortir de sa retraite pour intervenir dans mon cours. Quelle détermination et quelle foi ils y avaient mis...
Mais j'étais bien embêtée, il me faudrait partir le mois prochain, et ce satané potioniste y avait vu une excuse pour réquisitionner les petits "Il faut bien qu'ils continuent leur punition en votre absence !"
Oui, mais non, c'était mes punis à moi, et ils étaient déjà tout pardonnés. Enid était en convalescence jusqu'en mars, par ordre formel de l'infirmière. Pas de retenue, pas de Quidditch, pas de sortie. Grant...
Engoncée dans mon fauteuil, une tasse de thé à la main, vide depuis déjà un bon moment, je cherchais une solution pour écourter les heures de colle que j'avais promises à la directrice. Igor jouait les chaufferettes, étalé sur mes pieds. Ami fidèle. Il ouvrit un oeil.
- Et toi, qu'en ferais-tu de ce jeune homme ?
Le chien cligna de l'oeil et se rendormit. C'était une idée. Une sacrée bonne idée même. Je me penchais vers ma bestiole et lui ébouriffais la tête.
- Tes conseils sont mon bien le plus précieux.
Oh bien sûr, il faudrait que je trouve une excuse à son absence, mais ça, ça ne serait vraiment pas la partie la plus difficile à jouer. Je me levais, posais la tasse sur un guéridon, et m'approchais de la bibliothèque. Je parcourus des yeux les rayonnages.
- Mmmmm Anthologie des sorts au XIe, non, au XIIe, non plus, au XIIIe, encore moins... Métamorphose avancée pour théoriciens acharnées, pas suffisant... Mémoires noires, non... Annales de métamorphorse : journaux et chroniques du XVIIe siècle, peut-être...
Je feuilletais l'index de ce dernier ouvrage, mais rien ne faisait mon affaire. En rangeant le manuscrit, je tombais sur un exemplaire de Généalogies sorcières : fourbes de père en fils. Mauvais pamphlet contre l'orgueil des Sang-pur, il contenait cependant un arbre d'un genre inédit, celui de toute une famille d'Elfes de maison. Comment l'auteur avait-il eu accès aux Archives du Ministère ? Et surtout, comment avait-il pu remonter si loin dans le temps ? Il était certain que les familles ayant exploité les Elfes ne songeaient pas à conserver une trace des ascendances et descendances de leurs serviteurs. Ils s'en fichaient comme d'une guigne. C'était une pratique récente au Ministère, deux cent ans tout au plus.
Mais je tenais là le moyen d'éviter à Carl de trier les animaux crevés et pourrissants de ce sadique de maître des potions.
Ma petite horloge de bronze sonna 21 heures.