Nous étions remontées dans le bureau, Araubaz décidément bien perché sur l'épaule de la Kerlouan, et Igor sur ses talons. Maintenant, j'observais Mari s'affairer à préparer le thé depuis le coussiège sous la fenêtre. Le cacatoès explorait la pièce. Le chien avait sauté sur mes genoux pour se faire gratouiller derrière les oreilles.
Le dîner était déjà loin (au moins trois heures), aussi j'appréciais l'énorme tranche de pain d'épice que Mari me servit avec une grand tasse de thé noir et brûlant. Un Assam, sûrement mon préféré, puissant et aromatique, un thé peu onéreux mais qui réchauffe le coeur. De la boîte en porcelaine de ma tante s'élevait un parfum délicat. Oolong à n'en pas douter. La personne attendue devait être tenue en bonne estime par le professeur d'Histoire pour se voir attendre avec un grand cru.
Attendant que la bouilloire, sur le brasero, siffle à nouveau, la Kerlouan s'était assise à son bureau et écrivait. Elle parlait dans le même temps, m'interrogeant sur Araubaz.
- Mari, on a jamais vu un pirate sans perroquet.
Vraie qu'elle me faisait penser à un pirate, un naufrageur, avec son visage sévère, ses yeux noirs et sa bouche qui sourit férocement. Son rire, qu'on n'entendait pas à Poudlard, vous embarquait malgré vous. Pas très grande, son corps fin était d'acier. Je l'avais vu à la manoeuvre en mer, aux côtés de ses frères.
- En fait, Arau appartenait à une vieille moldue super riche. Un sorcier qui passait sous la fenêtre trouvait que c'était du gâchis que de laisser un oiseau si intelligent à une vieillarde sénile, aussi il a négocié avec le fils de la famille, et il a acheté puis revendu le cacatoès à la Ménagerie magique du Chemin de Traverse. Le fils était apparemment heureux de ne plus se soucier de l'oiseau, et la vieille a avoué ne l'avoir jamais vraiment apprécié. Trop franc peut-être, il l'appelait "Friiiippé".
- Araubaaaaz pafriiiippé Araubaaaaz Maaaari !
- Ah ben le voilà amoureux !
Le cacatoès quitta le buste d'un vieux et noble sorcier et vint se poser sur le coussiège en face de moi, où j'avais laissé mon assiette avec un reste de miettes. Il picora du mieux qu'il put avec son gros bec.
- T'as le béguin pour Mari, hein gros malin ?
Mari continuait à travailler. Je vis qu'il s'agissait de copies. La pile corrigée montait doucement, et pas une seule fois Mari ne soupira du piètre niveau certain de la plupart, pas un seul commentaire désobligeant.
J'avais bu la moitié de ma tasse. Igor quitta mes genoux, et alla se poster assis face à la porte, remuant joyeusement la queue.