Un léger bruissement se fit entendre en direction de la porte de la chambre du jeune garde-chasse. Un bruit qu’il avait appris à reconnaitre ces derniers temps. C’était par ce biais que Kirsten lui faisait part de ses tâches d’apprenti. La jeune femme était taiseuse, froide et distante, fidèle à son habitude mais Seamus s’en était accommodé. Il n’avait pas envie de faire copain-copain avec sa supérieure. Il s’entendait nettement mieux avec la sous-directrice et professeur de soins aux créatures. Une femme bienveillante, celle qui l’avait accueilli à ce poste d’ailleurs. Sans elle, il se demandait bien où diable il aurait été aujourd’hui. Seamus se tourna vers la porte et attrapa au vol l’avion en papier qui s’était glissé sous le chambranle. Le bout de parchemin était froissé et portait l’écriture indisciplinée de la femme aux yeux vairons. A la lecture de ses instructions, le jeune homme fronça les sourcils. Voilà qui n’allait pas être de tout repos ! Il jeta un œil à l’horloge à pendule qui trônait fièrement dans un coin de sa chambre. 22h17. Un petit sourire naquit au coin des lèvres de l’ex-Serpentard. Une petite idée venait de germer dans son crâne… Il se saisit d’une plume et d’un bout de parchemin.
Citation :
« 11pm gd Chêne F.I. Seul. Retour 6am »
D’un coup de baguette, le parchemin se plia sur lui-même pour former un minuscule hibou en papier. Celui-ci prit soudainement vie et profita de la porte entrebâillée par Seamus pour filer dans le couloir à la recherche de son destinataire. Le jeune homme attrapa sa cape de voyage, qu’il enfila par-dessus son jean foncé et sa veste en cuir. Il claqua la porte de ses appartements en réajustant ses vêtements puis fila vers la cabane du garde-chasse.
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22h57. L’aîné McGregor remercia Kirsten d’un hochement de tête et sortit de la cabane. Il pouvait sentir le regard de la garde-chasse dans son dos, persuadé qu’elle le fixait depuis la fenêtre de son logis alors qu’il se dirigeait vers la forêt interdite. Encore quelques pas, et il aurait disparu de sa vue, trop enfoncé entre les grands pins sombres qui bordaient la forêt. Il marcha encore quelques instants puis s’arrêta à la hauteur d’un gros chêne. C’était l’un des plus vieux arbres de la forêt. Il avait plus d’un demi-millénaire, nombreuses étaient les légendes lui étant attribuées. Seamus leva les yeux vers la cime de l’ancêtre, si dense et feuillus qu’on ne voyait même plus le ciel ébène à travers ses feuilles. Un bruit, presque imperceptible attira l’attention du jeune homme. Son interlocuteur devait avoir reçu son message à temps. Un nouveau sourire se dessina sur son visage, fendant l’obscurité.
La voix de Samuel résonna à son tour dans le silence quasi-absolu de la forêt. Seamus se retourna vers la source et, très vite, son regard se posa sur la silhouette de la brunette qu'il avait rencontré lors du dîner de la répartition. Si le contact était bien passé lors de leurs premiers échanges, ils s'était recroisé quelques heures plus tard dans un couloir alors qu'elle avait les mains prises par son étreinte charnelle avec Henry. Elle avait joué l’ingénue pour que son amant n’ait pas de problèmes et Seamus avait du se faire violence pour rentrer dans le jeu. Ils ne s’étaient plus parlés depuis. Ils s’étaient croisé à de rares occasions lors desquelles Eli semblait plus absorbé par la contemplation de ses pieds que par le garde-chasse. Seamus avait aussi préféré ignorer l’aide soignante. Il n'avait pas apprécié être pris à partie. Si ce n’était pour Eli, il aurait laissé Henry payer les pots cassés de leur escapade nocturne. Et comme il n'avait eu ni merci, ni rien du tout en fait en retour, il s'était juste fait à l'idée que la jeune femme était une ingrate parfaitement assortie à son abruti de préfet.
Seamus entendit à peine les justifications de son ami. Il ne pouvait cacher sa mine contrariée. Qu’est-ce qu’il lui avait pris de l’amener avec lui ? Il avait bien précisé qu’il devait venir seul… Il posa son regard sur la jeune femme visiblement gênée par la situation. Et quand celle-ci balança de but en blanc qu’elle aussi était une loup-garou, Seamus ne put retenir un soupire exaspéré. Il était de plus en plus blasé par le nombre de créatures évoluant dans ce château. Cependant, toutes n’avaient pas un sourire et un regard à vous faire tomber le cul par terre… Il eut du mal à détourner son regard de la jeune femme pour faire face à Sam.
L’apprenti lança un regard lourd de sous-entendus à Samuel, lui faisant bien comprendre qu'il n’appréciait pas spécialement la compagnie de la jeune femme. Le garde-chasse avait entendu parler de la piètre tentative de suicide de Henry et il devait avouer avoir eu un petit sourire à l'annonce de cette fabuleuse performance du Serpentard. C’était de ça que Sam parlait quand il disait qu’il ne pouvait pas la laisser seule ?
« Je ne t’ai pas appelé ici pour faire des colliers de fleurs, je doute qu'elle nous soit d’une aide quelconque… Loup-garou ou pas… » Glissa-t-il, la mâchoire serrée.
Borné, sexiste ? C’était des « qualités » que l’on ne connaissait habituellement pas à l’aîné McGregor. Lui qui faisait toujours de son mieux pour préserver les apparences et apparaitre comme le gendre idéal, voilà qui détonait.
L’attitude du garde-chasse avait décontenancé Samuel. Il avait pensé que les deux jeunes gens avaient eu un bon premier contact. Il ne se trompait pas complètement. Il ignorait juste la petite altercation qui avait suivi et ce sentiment d’être pris à nouveau pour le dindon de la farce, comme un peu plus tôt dans le Poudlard Express qu'avait ressentit le Garde-Chasse. L’accumulation, sans doute… Sam évoqua le cas d’Allen, coincé à Ste Mangouste, amnésique. Seamus sentit la pointe d’amusement dans la tirade de son ami et ne put réprimer à son tour un sourire. Le préfet-en-chef mettait tout en oeuvre pour que le McGregor laisse une nouvelle chance à celle qu’il appelait son amie. Seamus avait toujours le regard rivé sur la jeune femme. Son aura sauvage avait quelque chose d’envoutant qui lui donnait du mal à se maitriser, lui qui se définissait même par son self-control incomparable.
Elisabeth s’approcha d’eux, rompant leur aparté. Sa démarche était assurée, franche, sûre d’elle. Peu de femmes de son âge foulait la terre avec tant d’assurance. Elle poussa son acolyte avec hardiesse, ce qui décrocha un nouveau sourire au Garde-chasse. Bon, peut-être qu’elle était moins cruche qu’il avait préféré imaginer.
« Je suis plutôt directe Monsieur McGregor, et j'aimerais savoir ce qui me vaut ce soupir ? Les loups garou sont si répugnants que ça à ton égard ? Où c'est l'incident du couloir qui bouscule cette réaction ? »
Le jeune homme arqua les sourcils de surprise face à l’attaque verbale à laquelle il venait d’assister. Quel aplomb ! La réaction négative de Seamus à son arrivée l’avait donc visiblement très énervé. Et comme souvent, face à ce genre de spectacle, c'est un sourire amusé qui vint illuminer son visage jusqu’à présent froid et fermé. Ce qui avait tendance à soit détendre l'atmosphère, soit à empirer la situation.
Bon, évidemment, elle avait tout faux pour la partie "répugnance". Il était assez évident que cette demoiselle était loin d’être répugnante, au contraire. Par contre, elle se rapprochait de la vérité avec son évocation de l’incident du couloir. Samuel l’interrompit, n’étant pas au courant de cet événement. L’aide-soignante changea brusquement de ton, expliquant ce qu’il s’était passé ce soir-là. Sa tirade commença comme un simple état des lieux mais ses dernières paroles sous-entendaient des excuses. C’était léger mais c’était mieux que rien.
Seamus ne détachait pas son regard de la louve alors que Samuel le dévisageait sans trop comprendre. Un silence s’installa. On pouvait voir la bataille interne dans l’esprit du garde-chasse. Sa fierté et son orgueil étaient en plein combat avec sa raison. Au fond de lui, il savait qu’il devait laisser passer cet accrochage. Après tout, Elisabeth lui avait fait une bonne impression lors de la répartition, il avait vu en elle une future alliée dans cette année qui serait certainement compliquée pour les deux apprentis.
Elisabeth eut un sourire, gêné, embarrassé, elle lui demandait du regard de lui pardonner. Soudainement, le visage du jeune homme s’adoucit et il détourna les yeux, mettant fin à cette querelle. Il avait rendu les armes. Il y avait bien assez de personnes qu’il n’aimait pas dans cette école, il n’allait pas volontairement rajouter quelqu’un dans cette catégorie. Surtout que quelque chose chez Elisabeth l’attirait sans qu’il puisse mettre le doigt dessus.
Il se racla la gorge et enfonça ses mains dans les poches de sa cape.
« J’ai besoin de personnes de confiance pour cette nuit et, pour le moment, tu n’entres pas dans cette catégorie. »Il jeta un oeil à Samuel qui semblait désapprouver du regard les paroles de l’ex-Serpentard. Peut-être craignait-il qu’il énerve la scandinave qui ne ferait qu’une bouchée de lui ? Un sourire en coin naquit au creux des lèvres du jeune homme, ce qui eut pour effet de soulager son partenaire de crime. « Mais je lui fais confiance à lui… Suivez-moi… »
Seamus leur fit un geste de la main et commença à s’enfoncer plus profondément dans la forêt. Il devait les emmener à la clairière, là, ils comprendraient.
« Et pour ton info, je ne trouve pas les loups-garous répugnants… » reprit-il d'un ton enjoué. « Enfin… Plus maintenant… »
Seamus McGregor is back. Un large sourire prit place sur son visage alors qu’il enjambait un tronc d’arbre qui s’était effondré pendant la forte tempête qui avait touché Poudlard l’année dernière et qui semblait déjà s’enfoncer doucement dans le sol sous le poids de la végétation.
Ils arrivèrent enfin là où Seamus allait tout leur expliquer. La clairière si paisible était illuminée par une demi-lune éblouissante. Il sentit directement que ses deux acolytes avaient décelé quelque chose d’anormal. Certainement l’odeur… A quelques pas d’eux, sur un coin d’herbe qui semblait écrasé, comme si quelque chose s’y était couché, une substance argentée reflétait les rayons de lune. Aucun doute n’était permis, il s’agissait de sang de licorne.