La jeune femme semblait se méfier de moi. Je la comprenais, moi-même je ne faisais confiance à personne. Mais je lui avais confié malgré moi cette partie de moi et je me devais de lui en montrer plus. Tout d'abord car elle semblait réellement intéressée par la musique mais aussi parce que je sentais cette sensation étrange de vouloir montrer ce que je savais faire. Habituellement, je ne jouais qu'au cours des soirées qu'organisaient mes parents, mais cette fois-ci, je voulais un avis extérieur.
Je l'avais emmené dans le couloir du 3ème étage où je me rendais toujours pour jouer en douce. Il y avait une salle de classe désafectée remplie d'instruments de musique. Je la fis entrer à ma suite.
- Referme bien la porte, dis-je avant de lancer un Assurdiato sur toute la salle.
Je laissais la jeune Serpentard admirer la salle et partis m'installer au piano noir dans un coin de la pièce.
- Quand j'ai découvert cette salle, j'ai entrepris de remettre le piano en état et je viens depuis régulièrement jouer
Je fermais les yeux et inspirais un bon coup. Puis quand le silence se fit entièrement, j'ouvris à nouveau les yeux et mes doigts commencèrent à pianoter sur les touches du clavier. D'abord un peu stressée au début d'avoir un petit public, je commençais au fur et à mesure de la mélodie à me détendre.
Les deux jeunes femmes marchaient en silence, l'une à côté de l'autre. Elles croisèrent certains élèves, qui paraissaient surpris de les voir ensemble. Il était rare de voir Anna traîner avec qui que ce soit, qui plus est quelqu'un d'une autre maison. Elle pensait qu'il en allait un peu de même avec Elise.
Cette dernière entra dans une pièce au troisième étage, pièce qu'Anna n'avait pour ainsi dire jamais remarquée. La Serpentard se faufila à la suite de la rouge et or, qui lança un Assurdiato. Anna comprit vite pourquoi: il y avait un piano dans cette salle désaffectée, un vrai de vrai, sublime. Beaucoup de personnes n'y verraient qu'un instrument, mais pour Anna, c'était une véritable oeuvre d'art. Et ça l'était encore plus quand quelqu'un en jouait, comme Elise. Pendant que la Gryffondor jouait, Anna ferma elle aussi les yeux, après s'être accoudée au piano. Lorsque Elise s'arrêta, elle rouvrit les yeux, un peu troublée par la beauté de la musique, sans faille.
- Tu... tu joues depuis longtemps ? Elle avait attendu quelques secondes dans le silence avant de pouvoir s'exprimer.
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Victoire Weasley
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La musique me portait et mes doigts se déplaçaient d'eux-mêmes sur le clavier. Quand je touchais la dernière note, un silence respectueux s'installa et j'aurais presque oublié la présence de la jeune femme. Mais celle-ci prit la parole :
- Tu... tu joues depuis longtemps ?
J'ouvris les yeux et les posai sur elle :
- Depuis mes cinq ans...
Je laissais mes doigts suivre les contours des touches du clavier et hésitais un peu avant de poursuivre. C'était amusant comme quand on commençait à se livre et à parler de soi-même qu'on est envie de continuer. Cette fille ne m'avait pas jugé jusqu'ici et j'ignorais pourtant presque tout d'elle. Mais avec elle je me sentais à l'aise et je ne craignais pas de parler davantage de moi.
- Mes parents m'ont initié aux grands classiques sorciers mais je préfère jouer les morceaux des moldus comme Beethoven ou Mozart.
Je lui souris et jetai un regard autour de moi.
- Cette pièce c'est un peu un refuge pour moi, expliquais-je.
Elise avait eu la chance d'avoir des parents qui l'avaient initiée à la musique. La mère d'Anna ne l'aurait jamais fait, elle avait d'autres choses plus importantes à faire - boire, par exemple - et son père... eh bien, il aurait pu, mais encore fallait-il le rencontrer.
- Tes parents sont musiciens ?
Peut-être avaient-elles plus en commun que ce qu'elle s'imaginait. En tout cas, elle était réellement impressionnée par le talent d'Elise. Il était rare de voir quelqu'un jouer de la musique dans Poudlard, mais de cette façon encore plus. Même si elle ne le disait pas, Anna était admirative. Elle aurait voulu en faire de même, peut-être même l'accompagner.
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La jeune femme parlait peu et je pense que c'était pour ça que je l'appréciais aussi. Elle avait écouté sa musique, semblait l'avoir apprécié et ne pouvait cacher sa curiosité. Pourtant, elle ne s'embarrassait pas de paroles inutiles. Elle savait ce qu'elle voulait, et poser directement les questions.
- Non, pas vraiment. Ma grand-mère maternelle l'était. Elle jouait du piano aussi. Mais elle est morte brutalement quand ma mère était jeune et depuis ce jour, ma mère ne voulait plus toucher aucun instrument.
Quand je repensais à cette histoire, cela me rappelait que ma mère pouvait avoir des sentiments. Dans nos familles de Sang-Pur, on montrait rarement nos sentiments, ce qui pouvait nous donner un côté un peu inhumain.
- Et, la première fois que j'ai touché le clavier (je fis courir mes doigts sur le clavier du piano-ci), ma mère m'a interdit de remettre les pieds dans la pièce où était rangée le vieux piano. Mais mon père a réussi à la convaincre de me laisser apprendre. Et ma mère a repris goût à la musique, même si elle n'a jamais repris l'instrument.
Je regardais le piano sur lequel j'étais installée. Lorsque je quitterai Poudlard à la fin de l'année prochaine, il était sur que cet instrument me manquerait. Peut-être qu'avec mes privilèges je pourrai demander à l'emmener avec moi ?
Je soupirai et me levais pour aller me poster en face d'Anna. C'était une jeune femme très étrange mais, bizarrement, je l'appréciais. Au contraire de tous les autres élèves de cette école, la Serpentard semblait quelque peu différente.
Elise raconta son histoire, son rapport avec la musique. Anna ne savait pas très bien quoi dire. En général, les gens cherchaient à réconforter les autres quand ils parlaient de quelqu'un de décédé, mais ça n'était pas le genre de la Serpentard. En tout cas, elle pensait que le père d'Elise devait être quelqu'un de bien, vu ce qu'elle en disait.
- Je vois, répondit-elle tout simplement, les yeux fixés sur le piano.
Après un très court silence, Elise demanda ce qu'il en était de la famille d'Anna. Cette dernière regarda la Gryffondor, hésitant un instant.
- Sûrement pas ma mère, dit-elle d'un ton amer. Elle marqua une pause un peu longue. Mon père joue de la guitare lui. Mais... mais je ne l'ai jamais rencontré.
Elle détourna le regard. C'était la première fois qu'elle parlait de son géniteur à quelqu'un d'autre que sa mère. Cette dernière la réprimandait d'ailleurs souvent quand elle posait des questions à ce sujet. Du coup, elle avait fini par arrêter de le faire, purement et simplement.
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La jeune femme répondit seulement par un "je vois" peu engageant. Je m ravisai et détournai le regard. Peut-être en avais-je trop dit ? Peut-être que j'avais un peu trop ouverte mon coeur et mes émotions en croyant parler à Rosie ? Soudain, je m'en voulus de m'être ainsi confié et d'avoir parlé même d'une infime partie de ma vie. Qu'est-ce qui m'avait pris ? Je n'avais pourtant pas pour habitude de parler librement aux gens, encore moins à ceux que je ne connaissais que depuis 30min.
Alors que j'étais venue me poster aux côtés de la Serpentard et que j'avais tenté de changer de sujet, celle-ci répondit :
- Sûrement pas ma mère. Mon père joue de la guitare lui. Mais... mais je ne l'ai jamais rencontré.
Alors que je tournais la tête vers la Serpentard, celle-ci avait détourné le regard, comme moi un instant plus tôt. Ressentait-elle aussi cette émotion qui m'avait envahi quelques instants plus tôt ? Qu'étais-je censée faire à ce moment-là ? Alors, je repensais à Rosie, qui me confiait souvent ce qui se passait dans sa famille et, prenant une profonde inspiration, je dis :
- Mais tu connais son identité ? Et il connaît la tienne ?
Je ne voulais pas me montrer curieuse, seulement réconfortante, aussi avais-je essayé d'adopter un ton doux. Il y avait bien longtemps que je n'avais pas agi de la sorte.
Elise était maintenant à côté d'Anna. Cette dernière n'osait pas la regarder. Elle ressentait quelque chose d'étrange. Elle était presque terrorisée, mais tout en étant rassurée en même temps. Peut-être se sentait-elle bien d'avoir enfin pu parler - très peu, mais quand même - de son père à quelqu'un. La Gryffondor posa une question à ce sujet, et Anna hésita à nouveau. Devait-elle en dire plus, ou se taire à jamais, comme elle se l'était promis ? La tentation de parler était forte. La sensation qui habitait la Serpentard était presque enivrante.
- Je sais qui il est.
Elle n'en rajouta pas plus. Inutile de dire à Elise qu'elle le connaissait probablement aussi, puisqu'il était célèbre dans le monde des sorciers. Elle consentit par contre à répondre à la deuxième question:
- Mais pas lui. Je crois qu'il ne se doute même pas de mon existence.
Anna ne regardait toujours pas son interlocutrice. Elle avait peur de sa réaction, probablement une de rejet.
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- Je sais qui il est. Mais pas lui. Je crois qu'il ne se doute même pas de mon existence.
Anna évitait soigneusement de me regarder. Mais au moins parlait-elle et essayait-elle d'exprimer ce qu'elle ressentait. Si elle avait une mère sorcière, elle devait savoir aussi qui était son père. Mais en cet instant, peu m'importait le sang qui coulait dans ses veines. Peu m'importait si elle était Née-Moldue, Sang-Mêlée, Sang-Pur ou même Cracmol. Je redevenais cette enfant qui avait eu une amie qui avait eu besoin elle aussi de réconfort. La pureté du sang n'avait aucun intérêt et nous nous entraidions. C'était ça qui importait.
- Tu as essayé de le contacter ? demandais-je de cette même voix douce. Ou bien peut-être que ta mère l'a déjà fait ?
Anna lâcha un rire nerveux. Sa mère, essayer de contacter son père ? Elle l'avait peut-être fait au début, quand elle n'était pas encore accro à la bouteille. Après ça, elle était trop occupée à le critiquer pour essayer quoi que ce soit. Cependant, Elise ne pensait pas à mal en posant cette question, sa voix avait presque l'air... compatissante ? Prenait-elle Anna en pitié ? Cette dernière reprit une posture plus défensive, croisant les bras. Cette fois, elle regardait la Gryffondor.
- Non, jamais. Et quant à moi... impossible.
Ça n'était pas vraiment un mensonge. Comment contacter Kirley Duke, guitariste des Bizarr' Sisters, comment être sûre qu'il puisse lire une de ses lettres dans la masse de celles des fans ? Anna y avait déjà pensé, avait même déjà voulu essayer mais... elle n'y arrivait pas. A croire que sa mère avait réussi à la convaincre que son père n'en valait pas la peine.
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La jeune femme lâcha un rire nerveux qui me fit douter J'étais surement devenue un peu "trop douce" au goût de la Serpentard. Si ça continuait comme ça, ça allait tourner à l'eau de rose. Pourtant je n'avais aucune pitié pour elle. Je compatissais certes, mais seulement car j'avais l'impression de retrouver mon ancienne meilleure amie. Chacun avait ses problèmes. Moi la première. Enfin officiellement je n'en avais pas. J'essayais bien de me voiler la face. Mais on était mi-janvier et je redoutais le hibou de mes parents allant m'annoncer une "grande nouvelle". Je pensais que c'était pour mon fiancé. J'étais à présent en âge d'être fiancée mais mentalement je ne me sentais pas prête du tout. - Non, jamais. Et quant à moi... impossible.
Je me levais en soupirant. Son cas était presque désespéré. Mais si nous échangions les rôles, il en allait de même pour moi avec Rosie. Il m'était impossible de la joindre et mes parents me le refusaient strictement. Je pouvais donc comprendre cette situation délicate dans laquelle la Serpentard se trouver. Je me dirigeais vers mon piano et caressai doucement les touches.
- On a tous nos problèmes. Mais on a aussi tous un moyen de pouvoir nous échapper à nos responsabilités. Pour moi c'est le piano et...
Je voulus parler de ma spécialité à me transformer en Animagus. Mais ... non je ne pouvais en parler. C'était trop dire. Aussi je me dépêchais d'ajouter autre chose :
Elise se leva en soupirant. Attirée par ce bruit, Anna consentit enfin à regarder la Gryffondor. Elle n'arriva pas à déterminer ce que cette dernière pourrait bien penser de tout ce qu'elle venait de lui apprendre. Peut-être qu'elle n'avait pas tant pitié que ça, en vérité ? Anna n'avait pas envie de le savoir, mieux valait s'imaginer que ça n'était pas le cas. En tout cas, son interlocutrice dévia légèrement le sujet, probablement consciente qu'elle ne tirerait rien de plus de la Serpentard quant à ses relations familiales.
- Je suppose, répondit Anna à la remarque d'Elise.
Elle n'avait rien de particulier pour l'aider à penser à autre chose... mais de toute façon, elle ne pensait pas à ses problèmes. Elle préférait faire comme si ils n'existaient pas, c'était d'ailleurs ainsi qu'elle avait été élevée. Mais la Serpentard devait admettre qu'elle était un peu jalouse d'Elise, de sa faculté à jouer du piano. Anna observait l'instrument, songeuse.
- Tu penses que je pourrais venir ici, de temps à autre ?
Bizarrement, ici, Anna se sentait bien, même s'il s'agissait un peu de l'espace privé de quelqu'un d'autre. Habituellement, elle n'aurait jamais posé cette question, mais ce piano l'attirait étrangement. Elle aussi avait envie de s'asseoir, d'en jouer, même si elle n'y connaissait rien.
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Anna s'approcha doucement du piano et je ressentis presque une pointe de jalousie en la voyant faire. Ce n'était pas mon piano mais je le considérais pratiquement comme telle. - Tu penses que je pourrais venir ici, de temps à autre ?
Sa question me décontenança. Elle voulait revenir ? Moi qui pensais presque que je l'aurais ennuyé, elle semblait réellement intéressée. Mais étais-je prête à partager cette salle avec elle ? Elle essaierait surement de venir quand je n'y serai pas mais penser qu'elle puisse poser les doigts sur mon piano me gêner un peu. Mais après, si je m'étais confiée à elle et si je lui avais dit tout ça, c'est parce que je lui faisais un peu confiance. Étrangement, j'avais l'impression de la connaître alors je lui répondis :
Elise accepta la demande d'Anna, bien qu'elle n'avait pas bien l'air emballée. En vérité, la Serpentard pouvait comprendre. Si elle avait trouvé un endroit comme celui-ci auparavant, peut-être qu'elle n'aurait jamais voulu le partager. C'était même plus que probable. Mais Elise lui avait montré cet endroit, sans qu'elle ne demande rien, alors...
En tout cas, l'heure tournait, et le dîner devait être servi depuis quelques temps dans la Grande Salle. - Je crois qu'on ferait mieux d'y aller, dit Anna, sans que ça n'ait aucun rapport avec leur échange précédent.
La Serpentard se dirigea vers la porte. Avant de la franchir, elle s'arrêta, et lança un regard à Elise. - Merci, souffla-t-elle.
C'était réellement sincère. Elle avait l'impression de se sentir bien, maintenant, après cet échange, même si ça lui avait paru étrange.
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- Je crois qu'on ferait mieux d'y aller, répondit seulement Anna.
Je relevais la tête vers elle alors qu'elle se dirigeait vers la porte. Mais avant de la franchir, elle prononça un petit "merci" et je lui souris comme pour lui répondre. Elle s'en alla enfin et j'hésitais à la suivre. Je n'avais pas spécialement faim et avec cette drôle de rencontre qui m'avait presque faite devenir une autre personne, je me sentais un peu bizarre. Je prononçais un "Alohomora" sur la porte et m'installais alors au piano. Puis mes doigts se mirent à jouer tout seul un morceau de Chopin et, comme si la musique me délivrait de mes émotions, une larme coula doucement sur ma journée. La première depuis mes 7 ans.
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