Heure de pointe. J'étais blottie dans le creux de mon fauteuil préféré, sous un épais plaid en patchwork, et je regardais le va-et-vient des copains en retard, en avance, affamés ou encore repus.
Quelle fatigue mes amis. Ça faisait des mois que ça durait, j'étais faible, pâle, maigrichonne, pas l'ombre d'une repousse de poil ou de cheveux, et l'énergie ne revenait pas. Depuis la nuit des Crop Circle, je n'étais pas retournée à l'aventure, ni diurne, ni nocturne. Mes piètres résultats scolaires n'avaient ramené qu'une poignée de points à ma maison, et ma réputation de bonne complice pour tours et farces en avait pris un coup.
La trépidante vie du château continuait sans moi (ce qui me touchait dans ma dignité de Poufsouffle acharnée) et moi n'était que l'ombre du moi d'avant.
Je laissais mon esprit vagabonder, les yeux dans le vague. Un croassement de Merry me fit revenir au moment présent, et je m'aperçu que je fixais une vieille note griffonnée épinglée au tableau d'affichage :
"Les exploits qu'il nous reste à accomplir"
S'en suivait une longue liste manuscrite qui s'étendait sur plusieurs longueurs de parchemin.
Mon chef-d'oeuvre, mon bébé, mon ambition, mon rêve. En suspens, un temps figé, en attente d'une rémission.
J'étais maintenant debout devant le panneau, trainant le plaid comme un marmot traine son doudou (par un coin machouillé, le reste faisant la serpillère).